Pour reposer frontalement la question du rapport du poème lyrique à sa circonstance, il convient de réfléchir à sa scène d’énonciation particulière et à ses façons de décontextualiser ce qui n’est plus exactement son cadre. À l’opposé du roman, le poème élide les éléments de contextualisation et l’obscurité du poème vient souvent de cette incertitude sur les éléments référentiels. C’est pourquoi on propose bien de nommer «circonstance» ce qui constitue à la fois l’ambiance initiale qui donne naissance au poème et ce qu’il crée comme entour de sa parole.
Cet article décrit, dans un premier temps, certains problèmes non résolus par les nombreuses tentatives de définition du lyrique en tant que genre littéraire. Dans un second temps, il propose une nouvelle définition de la «poésie lyrique» (Lyrik) et donne quelques pistes pour une théorie «lyricologique», dans la perspective des mécanismes de réception cognitive de la poésie lyrique et des mécanismes cognitifs de définition du lyrique dans un but scientifique.
On considère généralement que la définition moderne du lyrique (lirica) comme poésie de la subjectivité est née de la réflexion des théoriciens du XVIᵉ siècle. Dans cet essai, nous voudrions démontrer que l’origine de cette définition est liée à l’idée du lyrique comme poésie caractérisée par la variété métrico-formelle qui, à partir des Étymologies d’Isidore de Séville, se répand de façon capillaire au Moyen-Âge, à l’époque moderne et qu’on trouve encore, sous la forme d’un fossile, dans l’Esthétique d’Hegel.
Bien que l’épithalame lyrique ait engendré un commentaire critique considérable, un élément n’a pas été identifié, ni discuté précédemment. Les «flashlights» peuvent être définies comme des impératives qui attirent l’attention sur une expérience sensorielle ou un évènement particuliers, souvent mais pas toujours perçus par la vue ou l’ouïe, ou plusieurs sens en même temps. Parmi les exemples courants se trouvent «Voir» (see and behold), «Écoutez!» (Hark); des mots comme «Observe» (Mark) peuvent être identifiés comme des variantes ou des proches parents. Analyser ces «flashlights» nous permet de tracer les caractéristiques clés du lyrique en général et de l’épithalame en particulier, notamment les interactions entre locuteur et public ainsi que la relation de ce genre à l’espace et à la narration.
Au croisement des langues et des cultures, à la fois immigrant et contrebandier, le poète-traducteur est celui qui choisit ou accepte l'«étranger» dans sa propre langue/culture. Sa place est toujours entre l'original et la copie, un lieu dans lequel il est simultanément l’esclave et le maître. Pour certains poètes-traducteurs comme Augusto de Campos, la traduction s'est mêlée à leur propre travail, brouillant les frontières de la paternité. Aujourd'hui, ses traductions peuvent être interprétées comme partie de leur force créatrice, surtout si l'on considère la créativité comme une «invention de l'Autre» (J. Derrida).
Depuis quelques décennies, nous assistons à l’avènement d’une variante particulière du roman: le roman en poèmes (novel in poems). L’intrigue y est transmise à travers une série de poèmes. La combinaison des principes formels du poème lyrique et du format (plus long) du récit permet le développement d’une série de caractéristiques qui distinguent le roman en poèmes du roman en vers ou du recueil de poèmes. Cette contribution propose l'introduction d'un terme générique pour désigner le roman en poèmes. Sur la base de trois exemples représentatifs tirés de la littérature contemporaine, nous nous attachons à dégager les tendances majeures qui le constituent.
Cet article s’interroge sur la relation entre la poésie et la photographie à travers le concept du «comme si». Il soutient que plutôt que de considérer ces deux formes d'art comme étant soit compétitives, soit mimétiques, nous trouvons dans les œuvres photographiques ekphrastiques contemporaines une tentative de dépasser cette pensée binaire. À travers la lecture de #1YearNoCam de David Jhave Johnston et de No film in the camera de Hanne Bramness, je maintiens que ces deux poètes n'ont pas l'intention de tenter de transformer leurs poèmes en photographies, d'imiter la photographie ou encore de la remplacer complètement. Ils écrivent «comme si». Ils essaient malgré tout.
Cet essai avance une série de postulats. 1) La poésie lyrique n'est pas définissable par des caractéristiques exclusives. 2) Elle peut être décrite par des stratégies formelles non-exclusives encodées dans les textes et les communautés. 3) Elle constitue un genre, ce dernier étant compris comme une fusion de la poétique et de l'herméneutique. 4) Elle vit historiquement mais survit de façon transhistorique. 5) Elle n'est ni simplement personnelle, ni entièrement impersonnelle. 6) Elle se distingue des genres plus empiriques et mimétiques par la densité de sa médiation verbale et formelle. 7) Elle est inter-générique. 8) Elle est transnationale. 9) Elle doit être étudiée à la fois au niveau macro et micro. 10) Elle met en évidence l'hybridation interculturelle, la créolisation et la vernacularisation. 11) Elle accomplit ceci «au sein de», et «entre» les langues. 12) Enfin, elle n'est pas morte et elle n'est pas exclusivement une forme appartenant à l’élite.
La question du lyrisme est devenue aujourd’hui celle du rapport entre l’auteur et son lecteur. L’esthétique dite «relationnelle», puis les théories de la «convergence» ou de la «participation», qui insistent sur la fusion du créateur et du public, définissent le lyrisme en termes de rencontre, d’échange, voire d’identité de ces pôles. On voudrait défendre ici une approche toute différente, qui met en avant la distance, non seulement dans le temps comme dans l’espace mais aussi dans la langue, de ce qui est en jeu dans l’écriture et dans la lecture lyriques.
La structure fondamentale de la poésie lyrique serait l'adresse triangulée (triangulated address): le lecteur donne voix à un discours qui s'adresse aux lecteurs par l'intermédiaire d'un tiers – quelqu'un ou quelque chose qui est adressé. La version la plus frappante de ce phénomène – figure qui résume tout ce qu'il y a de plus prétentieux et de mystificateur dans la poésie lyrique – serait la figure vatique de l'apostrophe: à savoir, l'interpellation d'un interlocuteur fictif (une urne, un oiseau, la Mort, la Beauté). L'adresse directe faite au lecteur est assez rare, et comporte souvent ce qu'on pourrait appeler un «vous flou» qui désigne le lecteur, ou tout le monde, ou encore le poète lui ou elle-même. C'est l'adresse lyrique qui fait du poème un événement.