Antonio Rodriguez
Université de Lausanne, CH
Résumé

Cette étude sort du contexte des avant-gardes ou des films expérimentaux, qui ont suscité de nombreux commentaires sur une teneur «poétique», pour ancrer des définitions plus opératoires à partir de «séquences» de films, souvent hollywoodiens, largement diffusés. Il s’agit de mieux distinguer les séquences «poétiques», centrées sur un poème multimédia, des séquences élaborées avec un montage «lyrique», qui peuvent ou non s’appuyer sur un texte. Après des études de cas, cet article montre en quoi les attributions de «poétique» ou de «lyrique» relèvent moins des seules caractéristiques des «objets» que d’une «intentionnalité», qui implique des modes de relation ou d’interaction plus spécifiques. À la manière de Cavell ou de Laugier pour la philosophie, «l’esthétique de l’ordinaire» du cinéma apparaît alors pour la poésie et le lyrique comme une éducation première hors du livre.

Mots-clés
ADAPTATIONS. MULTIMÉDIA. MULTIMODALITÉ. POÉSIE TRANSMÉDIALE. REMÉDIATION. SÉQUENCES
Plan
Article

Partons d’emblée d’un exemple: la scène d’ouverture du film Apocalypse Now de Francis Ford Coppola (1979) (fig. 1-2). Dans cette première séquence délimitée par la chanson The End des Doors1, de nombreuses analogies entre les plans, des métaphores2par les fondus enchaînés, des superpositions font partie d’un montage parallèle entre la chambre du personnage principal et la jungle; le tout impliquant presque cinq minutes d’évocation3. Le moment nodal de la séquence consiste à superposer le ventilateur, les pales de l’hélicoptère au milieu des bombardements avec la tête du personnage principal, le capitaine B. L. Willard, à l’envers. L’ensemble suggère le chaos régnant dans son esprit, comme au Vietnam, dévoré par le feu et le napalm qui s’abattent sur la forêt. Cette séquence saisissante concentre une atmosphère typique d’une «ouverture», au sens musical du terme4, comme un prologue qui en serait représentatif. Les analogies entre les plans, ponctuées par le rythme, donnent à ressentir parfaitement une tonalité apocalyptique, sans pour autant entrer dans une histoire avec un agencement narratif. La séquence ressemble davantage à un clip vidéo musical5, à un générique6, particulièrement élaboré (sans la narration d’une fiction ou l’argumentation d’un documentaire), dans la mesure où l’histoire n’est lancée que lorsque la musique s’arrête et que le personnage principal s’exclame en regardant entre les lamelles du store: «Saigon… Shit». Cette séquence filmique peut-elle être qualifiée de «lyrique» ou de «poétique»? Est-elle d’ailleurs «poétique» ou «lyrique»? Comment apposer ces deux adjectifs à de telles séquences filmiques? 

Fig. 1 : Scène d’ouverture d’Apocalypse Now, réalisé par Francis Ford Coppola (1979).
Fig. 2 : Apocalypse Now : superposition métaphorique de plusieurs plans : le visage à l’envers, la statute archaïque, la forêt bombardée.

Mieux définir les nouveaux objets lyriques par-delà le poème imprimé

Je me suis interrogé pendant des années sur ces problèmes, à partir d’objets poétiques ou lyriques qui ne sont pas des poèmes imprimés7. J’ai aussi bien fréquenté la médiathèque que la bibliothèque de mon université, à la recherche de séquences de ce type. Car je me questionnais déjà depuis ma thèse, Le pacte lyrique, sur la possibilité de comprendre le lyrique de manière non littéraire, dans une intentionnalité qui pourrait plus largement être «transmédiale»8. D’emblée, il me paraissait important de ne pas limiter le lyrique à des objets qui seraient exclusivement centrés sur une modalité, l’écrit, ou sur un support, le livre imprimé, pour une relation qui se réduirait uniquement à celle de la «lecture du livre lyrique». Dominant au XXe siècle, ce type de lecture a été érigé en modèle par la critique occidentale9, par les systèmes d’éducation, par les exercices de commentaire composé, mais les mouvements actuels de la critique française et internationale permettent de mieux sortir de l’exclusivité ethnocentrique d’une telle relation à l’imprimé10. Or, les «objets lyriques» d’aujourd’hui nous parviennent de différentes façons, par-delà les bibliothèques et les librairies, par les réseaux sociaux11, les plateformes de partage vidéo ou de streaming, et nous devrions être capables de les identifier ou de les analyser, comme pour la littérature numérique12. Le cinéma, art multimodal par excellence, peut nous aider à mieux comprendre ces nouveaux horizons critiques, à l’instar de la littérature expérimentale multimédia ou des nouvelles technologies13. Par leur capacité à s’adapter à plusieurs supports et à de multiples écrans, les films à large public n’amènent pas forcément une relation réflexive sur le médium, mais participent à une logique de l’«immédiacie» par l’immersion, comme l’a indiqué Yves Citton (87 et 264).

Ici, je me fonde sur trois questions principales: 

1. Si l’agencement lyrique existe par-delà l’écriture ou la lecture, implique-t-il une interaction similaire au texte imprimé? Le lyrique peut être restreint à un mode singulier de lecture, instauré pendant le romantisme, comme l’a indiqué Virginia Jackson14; sa transmédialité pourrait être contestée. Nous serions effectivement à la fin d’un cycle historique de deux siècles, plutôt avec des pratiques «non lyriques» pour la performance15comme pour le multimédia. 

2. Dans le rapport à des objets multimédias, comment considérer, dans de nouveaux contextes, des catégories historiquement et culturellement délimitées par la discipline littéraire? Car, comme l’indiquait Christophe Hanna: 

[Les objets] que ce vocabulaire et les aptitudes théoriques afférentes nous permettent seulement d’observer. Autrement dit, nous pouvons en faire l’expérience littéraire sans pour autant réussir à fournir une explication théorique du fonctionnement qui est le leur, justifier l’usage que nous en faisons, ou défendre littérairement la valeur que nous leur accordons. Notre relation à ces objets, du point de vue de son intensité, est pourtant comparable à celle que nous pouvons avoir avec des œuvres identifiables: elle peut être forte ou décevante, mais elle semble pourtant toujours se constituer dans un cadre large et flou, dès lors qu’on cherche à l’interpréter en essayant de la réinscrire dans la perspective préconfigurée d’un espace littéraire.

Comment dépasser le simple «contact» à des objets lyriques transmédiaux et être capable de les analyser ? Le modèle pour les analyses du lyrique devrait alors aller au-delà du texte imprimé, et nous amener à considérer d’autres «objets» qui englobent des textes ou des agencements lyriques, sans forcément mettre l’exclusivité sur le texte (ou la lecture silencieuse). En somme, la critique reste plus conservatrice dans son corpus que les productions poétiques actuelles, aux nombreux «objets non identifiés»16, ou aux créateurs toujours ingénieux. 

3. Si le lyrique peut s’adapter aux nouvelles créations multimédias, en quoi le cinéma nous aide-t-il à comprendre ce problème d’un point de vue historique sans nous concentrer sur une prétendue «rupture» liée au numérique? Concernant les liens entre poésie et cinéma par exemple, les travaux restent peu nombreux en français, alors qu’ils ont été plus nombreux dans le domaine anglophone17. Dans les départements de cinéma, nous savons combien les analyses narratologiques ont des dettes envers les travaux littéraires, notamment ceux de Gérard Genette18. Pourtant, ces études restent fortement centrées sur les questions narratives, en négligeant trop souvent les analyses par séquences, hétérogènes de fait, qui sortiraient de la fiction ou de l’argumentation, et pourraient conduire à mieux comprendre des séquences poétiques ou lyriques dans les films. 

Des films grand public pour une «esthétique de l’ordinaire» en poésie

Les films dits «expérimentaux»19 pourraient servir de base pour de telles analyses. De nombreux «cinépoèmes»20ont été proposés, et il existe également du cinéma dit «poétique»21par les réalisateurs eux-mêmes, ou encore un intérêt cinématographique des poètes22, qui reste souvent réservé à un public averti et spécialisé. Mais j’aimerais prendre ici des exemples à partir d’un corpus d’objets, que la philosophe française Sandra Laugier placerait, avec les séries ou les longs-métrages hollywoodiens, dans une «esthétique de l’ordinaire»23, en suivant les traces de Stanley Cavell24. Au lieu d’analyser des films à forte teneur artistique, d’avant-garde, j’aimerais partir de séquences tirées de films largement diffusés, souvent bien connus, ayant fourni une éducation de base à un très large public; des films primés aux Oscars ou encore au Festival du film de Cannes. Car ces films, pourtant à forte dominante narrative ou argumentative, offrent fréquemment des séquences poétiques ou lyriques mémorables, à forte teneur émotionnelle; comme la séquence d’ouverture d’Apocalypse Now.

Une telle réflexion sur un corpus de cinéma à large diffusion peut surprendre, tant nous étions habitués à considérer la lecture silencieuse des textes lyriques comme l’interaction fondamentale de la poésie. Pourtant, la lecture silencieuse, favorisée dans les départements de littérature comme instrument d’accès au texte, voire comme norme d’interaction, en tant que préfiguration du commentaire composé, ne peut être vue comme l’unique interaction possible. Les traditions antiques, médiévales, non occidentales des poésies lyriques rejoignent les travaux plus récents sur la poésie sonore, la performance, la poésie sur scène en Occident25. Nous comprenons aussi bien le passage du «livre au live», pour reprendre une formule de Camille Vorger26, spécialiste du slam en français, que celui au multimédia qui l’accompagne désormais27. De telles approches critiques s’unissent à ce que des spécialistes d’œuvres lyriques ouvertes sur le temps long de l’histoire et les espaces larges des cultures avaient déjà mis en valeur28. Un poète qui chante ses vers, avec des musiciens et des danseurs, qui forment des tableaux, ne semble pas une innovation associée au multimédia. Nous la retrouvons dans le soufisme et la mystique de Rûmî avec les traditions mevlevî de la danse sema, dite des «derviches tourneurs»29

La lecture du livre lyrique, pour valorisée qu’elle ait été dans les académies occidentales, ne peut englober qu’une des interactions possibles face à la pluralité des objets lyriques, qui nous amène à considérer des relations (ou des conduites) esthétiques, émotionnelles, cognitives, assez similaires entre elles, sur des objets aux caractéristiques techniques et matérielles au premier abord particulièrement dissemblables30. Pourtant, dans un geste aussi orgueilleux que peu rigoureux, il serait possible d’écarter tous ces objets lyriques intermédiaux ou transmédiaux31, «douteux» au premier abord, autour de nous, en considérant qu’ils ne forment que des «extensions», des «transpositions», des confusions liées à des «usages» critiques moins rigoureux32. Nous l’aurons compris, j’adopte, avec d’autres, une perspective moins confortable pour nos habitudes, car les outils de la critique littéraire ont été forgés sur une relation particulière à un certain type d’objets lyriques (principalement les poèmes imprimés). 

La séquence «poétique» dans un film

Pour considérer une séquence comme «poétique», n’est-il pas nécessaire de sortir des impressions, de ce je-ne-sais-quoi bien repéré par la critique française?33Les approximations liées aux usages non critiques peuvent être écartées, quand elles amènent à considérer tel paysage ou tel œuvre comme «poétiques». L’acception existe bien dans le dictionnaire34, mais elle ne peut contenter une esthétique plus rigoureuse, par-delà les usages historiques ou sociologiques du terme. Partons par conséquent du «poème» avant de considérer une séquence comme «poétique». Y a-t-il donc un poème dans le film? 

Il arrive par exemple qu’un personnage soit poète et qu’il dise des poèmes dans un film35. C’est le cas dans la scène finale de An Angel at My Table de Jane Campion, ou encore dans Bright Star de la même réalisatrice36. Mais il se peut également que des personnages récitent des vers ou des poèmes dans un moment crucial et émouvant. Des séquences de ce type se retrouvent dans Dead Poets Society (1989) certes, mais aussi dans des films d’animation, comme chez Tim Burton, ou encore chez Disney, à l’instar de la scène de The Fox and The Hound, où la veuve Tweed doit abandonner Tod, son renardeau, et lui dit un poème pathétique d’adieu dans la voiture37. Enfin, des vers ou des poèmes peuvent être portés par la voix off, ou encore par des personnages, mais en postsynchronisation. 

Ma première analyse provient d’une séquence bien connue du film de Sam Mendes, American Beauty (1999) (fig. 3), souvent parodiée d’ailleurs. Il s’agit de la scène du sac qui vole. Après avoir montré les objets nazis appartenant à son père, Ricky Fitts (Wes Bentley) propose à sa voisine, Jane Burnham, de lui montrer «la plus belle chose qu’il ait jamais filmée» («the most beautiful thing I’ve ever filmed»). 

Fig. 3 : Début de la séquence du sac dans American Beauty, réalisé par Sam Mendes (1999).

Le scénario décrit la vidéo montrée par le personnage ainsi: « Nous suivons [le sac] alors que le vent l’emporte dans des cercles autour de nous, parfois en le fouettant violemment, ou, sans prévenir, en l’envoyant dans le ciel, puis le laisse flotter gracieusement jusqu’au sol…»38. Les termes choisis montrent la tension recherchée en le «ciel» et le «sol», entre la violence et la grâce. Dans le film, cette séquence est délimitée par une musique en bande-son, une mélodie au piano de Thomas Newman, qui accentue son unité et son autonomie. À ce moment-là, Ricky s’adresse à Jane, et dit un texte avec une teneur poétique évidente, même s’il n’est pas un poème du répertoire. La séquence se déroule en trois temps :

C’était un de ces jours où il va neiger d’une minute à l’autre. 
Et il y a de l’électricité dans l’air, tu peux presque l’entendre, n’est-ce pas? 
Et ce sac était juste… en train de danser avec moi. 
Comme un petit enfant qui me suppliait de jouer avec lui. 

Le premier passage suit la montée du sac avec la sensation d’une «force» spirituelle qui rehausse l’existence: «C’est le jour où j’ai réalisé qu’il y avait cette… vie entière derrière les choses, et cette incroyable force bienveillante». Après un temps, Ricky reprend, et Jane le regarde, émue: « La vidéo est une piètre excuse, je sais. Mais ça m’aide à me souvenir… » Ricky poursuit les larmes aux yeux, en regardant dans le vide: «Parfois, il y a tellement de beauté dans le monde que j’ai l’impression de ne pas pouvoir la supporter… Et mon cœur est sur le point d’exploser.» Face à la vidéo présentée, le discours de l’adolescent lui donne une teneur métaphorique et émotionnelle. Ses mots sont soutenus par la musique, que les spectateurs entendent, mais non les personnages. La caméra se tient tout d’abord derrière les têtes de Ricky et de Jane, comme pour nous montrer un film dans le film. Pourtant, ce sac ne semble qu’un prétexte. L’adresse à la jeune femme et la temporalité construisent un «effet de présence»39 caractéristique de l’agencement lyrique. Le commentaire de Ricky est construit avec une série de comparaisons: le sac dansait, il voulait jouer comme un enfant. Il apporte surtout une puissance spirituelle à une vidéo qui pourrait sinon sembler d’une grande banalité.

Jane est touchée par son propos, et l’embrasse. Dans cette séquence, Ricky donne trois fonctions à sa vidéo, qui se rapprochent des fonctions traditionnelles attribuées à la poésie: (1) il veut capter le moment de grâce pour (2) le garder en mémoire et (3) célébrer la splendeur indicible du monde. Mais il occulte deux autres fonctions, importantes: obtenir l’empathie de son auditrice, en partageant sa situation affective; être reconnu par la jeune femme comme un être singulier et sensible. Cette séquence souligne la réussite de ces fonctions par le comportement de la jeune fille et, indirectement, par l’émotion ressentie chez les spectateurs. Le montage reste sobre, et nous n’avons pas un agencement ou des effets particuliers (fondu enchaîné, superpositions), comme dans l’ouverture d’Apocalypse Now. Il s’agit au contraire d’une séquence centrée sur le texte, très proche d’un poème, dit par un personnage. En cela, elle répond d’emblée à une séquence poétique, délimitée par la musique. Elle sort de la narration proprement dite et y amène un moment singulier. 

Prenons un autre exemple de poème, mais avec un montage différent. Depuis The Thin Red Line (1998), Terrence Malick a développé plusieurs séquences poétiques et lyriques dans ses films. Généralement, le texte poétique est dit par une voix off, celle d’un personnage enregistré en postsynchronisation. Dans The New World (fig. 4), Pocahontas (Q’Orianka Kilcher) adresse une prière à sa mère, à la Terre Mère et à son amant John Smith (Colin Farrell): «Mère, où vis-tu ?». 

Fig. 4 : Prière à la Terre Mère dans The New World, réalisé par Terrence Malick (2005).

Le prélude du Rheingold de Wagner accompagne une longue séquence au montage chargé de métaphores. D’abord, le soleil apparaît entre les mains de la jeune femme. Les rapprochements et la distance avec John Smith évoquent la puissance et la crainte du désir. Les arbres révèlent la grandeur de la nature40. Le ruissellement de l’eau illustre l’harmonie du monde. Tous ces éléments, qui se retrouvent dans d’autres films de Malick, sont agencés pour une évocation, qui conduit métaphoriquement à l’union du couple: «Deux. Un. Un. Je suis, je suis.» («Two. One. One. I am, I am.»)Dans cette séquence, délimitée par l’adresse à la mère et la musique de Wagner, le texte poétique de la prière accompagne un montage qui, plus qu’une illustration, crée une évocation de la fondation des États-Unis, de la rencontre des peuples, par le biais du couple. À la différence d’American Beauty, le poème se passe hors d’un déroulement totalement narratif. Il est nécessaire de clairement distinguer ce qui relève du texte poétique ou d’un montage singulier. Car il existe des montages de ce type sans texte, ce qui enlève à ces séquences leur teneur proprement «poétique». Gardons ainsi l’usage du mot «poétique» pour désigner la présence d’un poème ou d’un quasi-poème dans les films. Un biopic sur un poète ne suffit pas à créer une séquence poétique en tant que telle. Chez Malick, dans The New World, les séquences lyriques et poétiques relèvent avant tout de l’évocation des peuples premiers (comme dans plusieurs séquences d’ouverture de The Thin Red Line41), alors que la narration nous donne le point de vue des colons britanniques.

Nous parvenons ainsi à mieux comprendre ce qui serait plus directement «poétique» dans une telle séquence: la composition multimodale autour d’un poème. Mais cette composition peut rester relativement narrative comme dans les biopics de poètes, tout comme elle peut trouver un montage singulier, proche des logiques lyriques.

L’agencement lyrique du montage par-delà le poème

Des séquences sans voix off ou sans personnages récitant un poème peuvent également impliquer un montage caractéristique par son rythme, son évocation, ses métaphores. Ce genre de séquences se reconnaissent lorsque la narration ou l’argument cessent. Le montage métaphorique des plans et la musique s’associent alors pour créer un «agencement», qui n’est plus narratif ou documentaire, mais lyrique. Une telle technique de montage produit typiquement des aspects d’une «évocation», au sens de Marc Dominicy42, et certains effets rythmiques sont assurés par des ralentis ou des accélérations, qui se conjuguent parfois à des effets particularisants (noir/blanc, time-lapse, slow-motion, filtres). En somme, nous sortons d’un montage à visée narrative ou documentaire.

Là encore, je propose de partir d’un exemple pour ce montage par analogie, avec une séquence tirée du film Baraka de Ron Fricke (1992). Ce film ne relève pas d’une production hollywoodienne à proprement parler, mais indépendante, réalisée en 70 mm. Il fait partie d’une mouvance bien connue, abondamment primée, celle de la trilogie Qatsi de Godfrey Reggio43avec les musiques de Philip Glass. Ces documentaires «sans commentaires» («a non-verbal documentary»ou encore «a visual-art documentary»44) impliquent fréquemment des séquences avec des montages lyriques, avec des musiques, pour célébrer les paysages spectaculaires du monde naturel ou déplorer la frénésie destructrice des vies occidentales. Dans Baraka, un montage parallèle crée une comparaison entre les déplacements dans une mégapole japonaise et la sélection industrielle des poussins, qui rappelle d’ailleurs la célèbre séquence de Modern Times de Chaplin (1936) comparant la sortie du métro et le troupeau de moutons. Cette séquence est soutenue rythmiquement par une série de percussions, qui sous-tendent la cadence frénétique de la vie industrielle. Le documentaire argumentatif ou la fiction narrative sont écartés au profit d’une évocation lyrique de la vie urbaine comparant le traitement des humains et le traitement des animaux.

Outre les films de fiction, les documentaires peuvent également comporter des séquences lyriques. Tel est le cas de Fahrenheit 9/11 (fig. 5) de Michael Moore (2004), abondamment primé, notamment par la Palme d’or au Festival de Cannes. Les crédits du générique d’ouverture sont immédiatement suivis par un fond noir, qui met en valeur les sons de l’attaque des tours jumelles lors des attentats du 11 septembre 2001. Les spectateurs entendent les avions percuter les tours et les premières sirènes des secours. À ce moment, une séquence lyrique commence avec la musique de deuil d’Arvo Pärt, Cantus in memoriam Benjamin Britten. Le montage accomplit un effet de chœur, en rassemblant des gros plans sur des visages qui regardent vers le haut, les tours, hors champ, et qui sont sous le choc ou donnent des explications. Les visages sont pris par l’émotion, la stupeur, la lamentation, voire la consternation. La séquence en devient particulièrement émouvante, comme par empathie45, avec des images d’archive, montées pour donner à sentir l’impact sur la population au moment du drame. 

L’utilisation du ralenti évoque l’effondrement des tours, dans une scène incroyablement saisissante. Les mots ne semblent pas nécessaires, et un poème serait sans doute déplacé. Pourtant, la succession des visages, la manière de monter la scène rappellent des techniques d’évocation lyrique pour susciter des émotions. Nous ne sommes pas loin de la séquence d’ouverture d’Apocalypse Now, mais avec un tout autre effet. Tout s’agence pour évoquer le moment tragique vécu à New York. Le spectateur n’entend pas de poème, mais il comprend l’orientation de la séquence. Nulle narration, nulle argumentation; seule une évocation se déroule par des associations de visages, des analogies, prises dans le rythme lent et répétitif, accompagnant à la fin la musique d’Arvo Pärt. Ainsi est esquissée la chute des tours, et surtout l’effroyable douleur, l’émotion forte que cet attentat a provoquées. Or, ce même effet est suscité chez les spectateurs, pour les émouvoir, dans ce montage aux composantes proches du «lyrique». Nous avons alors une conduite esthétique46, une attention particulière47qui peuvent être mises en parallèle à celles que nous avons face à une séquence lyrique écrite. 

Fig. 5 : Séquence de l’effondrement des Twin-Towers dans Fahrenheit 9/11, réalisé par Michael Moore (2004).

Loin d’être anecdotiques, les séquences au montage lyrique (sans poème) peuvent concentrer une grande intensité dans un film qui, pourtant, est construit sous une dominante narrative ou argumentative. Comme pour les œuvres littéraires, tout poème n’est pas intégralement lyrique ou narratif, mais comporte des séquences hétérogènes. Ce type de séquences ne devrait pas être immédiatement confondu avec les scènes «poétiques», dans lesquelles un texte, des vers devraient minimalement apparaître ou être dits. Parfois, les deux formes s’allient, comme dans les séquences d’écriture de poèmes dans Paterson de Jim Jarmusch (2016). Mais, parfois aussi, elles se distinguent l’une de l’autre.

Prise dans un film narratif, ces séquences font sortir le spectateur d’une logique de l’action, de l’intrigue ou d’une représentation plus théâtrale des personnages. Elles apparaissent généralement en ouverture, ou comme une parenthèse, un moment intense (de remémoration par exemple). Les limites de ces séquences tiennent aussi bien à la bande-son qu’à la musique. Car la musique se conjugue avec les bruits ou les voix des personnages. Dans un montage lyrique sans poème, la scène dévoile un paysage, comme dans Baraka, et évite les voix. Le changement se perçoit par le rythme, les ralentis ou les accélérations; mais également par les métaphores qui peuvent être relativement nombreuses, créant des analogies entre les plans: la destruction de soi pendant la guerre (Apocalypse Now) ou le chœur des visages émus face à la catastrophe (Fahrenheit 9/11). Les stratégies de l’évocation accompagnent ces séquences, qui visent à créer un effet émotionnel et une relation empathique. 

Quelles conséquences pour les méthodes littéraires?

Comme la traduction48ou la didactique de la poésie49, l’intermédialité ou la transmédialité lyriques semblent d’abord s’inscrire dans une réflexion marginale pour la théorie littéraire qui resterait centrée sur les poèmes imprimés. Elles nous incitent pourtant à déterminer pourquoi certaines définitions ou certains outils, qui sont plus ou moins adaptables aux nouveaux objets, fonctionnent ou non. Les limites sont-elles du ressort des objets (partiellement aboutis) ou des lecteurs (partiellement formés)? Faut-il remettre en question le «canon» des disciplines? Car les limites d’une réflexion sur la poésie ou le lyrique à partir d’un corpus comme le cinéma soulignent davantage les restrictions de nos définitions, de nos disciplines, fondées sur des objets culturels spécifiques, les poèmes écrits, manuscrits ou imprimés; ou plus récemment, les textes dits sur scène par la performance50. Comment ne pas appliquer certaines définitions sur les textes, si elles sont suffisamment précises, à des arts non imprimés qui comportent ce texte, mais autrement, en tant que «remédiation»51? Pourquoi n’y aurait-il pas des interactions typiques à partir d’agencements et d’effets similaires, mais sans de telles remédiations? Si, pour le cinéma, nous sommes plusieurs à qualifier ces séquences de «poétiques» et de «lyriques», c’est certainement parce que nous partons d’une définition qui permet de le faire. Or, une telle définition se fonde, explicitement ou implicitement, sur «l’intentionnalité lyrique» entre objet et spectateurs; pour certains, sur «l’attentionnalité» de nos interactions52

Avec une définition uniquement littéraire, élaborée sur la description d’objets manuscrits ou imprimés, nous serions incapables de le faire. Si la définition de la «lecture lyrique» est purement historique, comme chez Virginia Jackson, nous serions amenés à considérer qu’il s’agit de formes «non lyriques», plus proches de la performance, à l’instar d’Arturo Casas53. Mais ne devons-nous pas réaliser la même assertion en disant que l’«agencement narratif» ou l’«interaction narrative» ne s’appliquent qu’aux genres littéraires imprimés du roman ou du conte; ce qui serait une narratologie sans transmédialité, désormais intenable54

Ne faut-il pas comprendre les conséquences transmédiales à partir d’une intentionnalité lyrique, qui serait distincte de l’intentionnalité narrative ou critique en littérature? La définition «relationnelle» devient nécessaire: en littérature, y a-t-il une «lecture lyrique» possible de «textes lyriques» comme, au cinéma, «l’interaction lyrique» devient plus pertinente avec «des dispositifs lyriques»? Tout le problème consisterait alors à comprendre quelque chose comme un «pacte», qui correspondrait à une visée intentionnelle55.

L’intentionnalité lyrique permet de décrire comment nous rassemblons et faisons tenir ensemble des éléments mis côte à côte, pour qu’ils ne soient pas une simple succession de plans dans un film ou de phrases dans un texte. Comment parvenons-nous à une séquence? Comment donner du sens à toutes les sensations, à tous ces bouts de compréhension? Comment les rassembler dans un «faire-sens»56? Dans le texte, nous trouvons des mots, des unités syntaxiques, des phrases qui doivent être reliés entre eux par une orientation et une tension pour devenir des séquences signifiantes. Mais, dans d’autres formes, les éléments à réunir sont bien distincts. Le cinéma, art d’une grande complexité multimodale, propose d’autres assemblages: comment rassembler les images, le montage, la musique (parfois le chant), la photographie, la lumière, le son, les voix, les acteurs et même le texte? Comment assurer une «continuité», un minimum de cohérence à ce que nous regardons? Nous pouvons la déceler par la narration dans la fiction, par l’argumentation dans le documentaire, mais aussi par des séquences lyriques et des moments poétiques; comme dans The Tree of Life de Terrence Malick ou dans certains courts-métrages de Stan Brakhage.

Lorsque nous regardons un film en tant que spectateurs, nous ne séparons pas chaque élément comme le ferait l’équipe de montage; nous ne prenons pas la bande-son séparément de l’image, ou le dialogue séparément des acteurs qui le disent. Nous sommes en permanence guidés par des orientations dans la complexité, qui sont cohérentes d’un point de vue holistique, et nous les suivons, comme nous pourrions suivre un «récit au cinéma». N’existe-t-il pas des relations lyriques similaires entre la lecture d’un poème et le visionnage d’un film? Cela passe souvent par des orientations, des façons de relier logiquement des éléments à rapprocher (des métaphores, des analogies, du rythme)? 

C’est pourquoi les définitions, tout comme les outils d’analyse, pâtiraient d’une réduction des «objets lyriques» à la seule «lecture du livre lyrique», c’est-à-dire à une seule interaction. Une séquence lyrique n’est pas «lyrique» par extension ou transposition du poème imprimé, mais parce qu’elle se compose de traits d’agencement communs qui impliquent des interactions identifiables. Une construction logique similaire au «lyrique» textuel ne suffit donc pas; ni d’ailleurs la manière de porter une attention lyrique, indépendamment d’une logique similaire de composition pour l’objet57. Les deux pôles (objet et activité de réception) doivent être considérés pour parvenir à une interactionfondée sur une intentionnalité, une visée et un cadre intentionnel face aux divers objets artistiques susceptibles de comporter des séquences poétiques ou lyriques. S’il est difficile de considérer une séquence lyrique en sculpture, il n’en est pas de même pour le ballet58, l’opéra, la bande dessinée, proches, sur certains aspects, du cinéma.

Les usages des disciplines littéraires, encore divisées sur ces questions transmédiales, tendent progressivement à sortir le lyrique du seul «texte» imprimé. Elles se trouvent dans la nécessité épistémologique de prendre des définitions comme n’étant pas uniquement «les propriétés» d’un «objet» lyrique (Le Robert). Sinon, la volonté illusoire d’«objectivité» nous amènerait à décrire des objets lyriques choisis qui conforteraient par avance les définitions et les outils. Nous devons comprendre qu’ils sont justement lyriques en raison du cadre intentionnel qu’ils comportent, perceptible par des séquences et des interactions. L’effet de présence, l’adresse lyrique s’associent à des techniques d’évocation par analogie, à une adhésion au rythme, qui amènent des effets empathiques d’incarnation pour éprouver ces séquences. Pourquoi le format ou le support modifieraient-ils ces éléments lyriques? Le cinéma ne serait-il pas capable de les élaborer? La critique n’écarterait ces séquences transmédiales qu’en raison de la discipline et non de la validité des observations, car le lyrique est résolument transmédial. Mais il reste, par-delà l’assertion, à affiner les observations, les analyses et les définitions. 

Le risque serait de rester centrés sur le texte, de manière autonome, sur ses «propriétés» stylistiques et sémantiques, comme si elles étaient objectivement déterminantes, comme si elles parlaient d’elles-mêmes et provoquaient des effets immédiats sur la lecture. Les critiques oublieraient alors que ces caractéristiques sont des orientations dans un «cadre intentionnel» qui allie visées et interactions. Elles n’ont guère de valeur objective propre, mais deviennent signifiantes dans le make-sense des séquences, par-delà la succession des phrases dans le poème, par-delà la succession des plans pour le cinéma. Ces séquences convoquent des interactions typiques, qui résultent d’une activité esthétique et d’une relation cognitive singulière face à des objets perçus «lyriquement».

  1. Les paroles de The End ponctuent la séquence: «This is the end / Beautiful friend / This is the end / My only friend, the end / Of our elaborate plans, the end / Of everything that stands, the end / No safety or surprise, the end / I’ll never look into your eyes again / Can you picture what will be, so limitless and free ? / Desperately in need of some stranger’s hand / In a desperate land / Lost in a Roman, wilderness of pain / And all the children are insane». Le climax métaphorique multimodal («Intense and dissipated» selon le scénario) est atteint lorsque Willard ouvre les yeux et les paroles de la chanson sont justement : «I’ll never look into your eyes again».
  2. Il est possible de prendre les études déjà anciennes de Trevor Whittock, Metaphor and Film ou de Jacques Gerstenkorn, La métaphore au cinéma. Sur la métaphore au cinéma, je renvoie surtout à Charles J. Forceville, Eduardo Urios-Aparisi, éditeurs, Multimodal Metaphor et aux deux chapitres suivants: Francisco Yus, «Visual Metaphor Versus Verbal Metaphor»; Mats Rohdin, «Multimodal Metaphor in Classical Film Theory from the 1920s to the 1950s». Je m’écarte totalement, en revanche, de l’analyse de Sémir Badir, «Une poésie sans métaphore au cinéma».
  3. Il est possible de consulter le scénario de la séquence en ligne: https://gointothestory.blcklst.com/great-scene-apocalypse-now-ec450a7755f. L’indication sur l’atmosphère de rêve dès la première phrase est associée à une métaphore sur le «voile du temps»: « Fade In. Coconut trees being VIEWED through the veil of time or a dream [Fondu enchaîné. Cocotiers vus à travers le voile du temps ou un rêve]». Outre les fumées colorées, la musique doit être «suggestive»,souligne le scénario.
  4. Voir la définition de M. Vignal dans l’Encyclopædia Universalis, qui souligne l’atmosphère thématique donnée par ce morceau avant le début de l’action ou du dialogue.
  5. Antoine Gaudin, «Le clip comme forme d’expression musico-visuelle». Gaudin mentionne, par exemple, que «dans le clip la musique n’est pas convoquée comme accompagnement des images, ce sont au contraire les images qui sont données comme découlant de la musique».
  6. Alexandre Tylski, «Le générique au cinéma»; Laurence Moinereau, «Figure et générique».
  7. Cet article est tiré de ma conférence donnée en 2017 à l’université de Boston dans le cadre du premier congrès de l’International Network for the Study of Lyric, «Situating Lyric», juin 2017. Plus largement, dès 2006, j’évoquais ces points dans la conclusion de Modernité et paradoxe lyrique, pp. 169-170.
  8. Voir, sur une telle perspective, aussi le travail de Gustavo Guerrero, «Transmédialité et champ poétique».
  9. Roger Chartier, La main de l’auteur et l’esprit de l’imprimeur; Frédéric Barbier, L’Europe de Gutenberg.
  10. À titre d’illustration, je prends deux approches françaises; une ancienne déjà, Jean-Pierre Balpe, «Le livre est tout le problème…»; une autre plus récente: Stéphane Hirschi et al., directeurs, La poésie délivrée.
  11. Voir par exemple Bronwen Thomas, Literature and Social Media.
  12. Je renvoie à l’ouvrage collectif fondateur: Jan Van Looy, Jan Baetens, éditeurs, Close Reading New Media, Analyzing Electronic Literature; notamment sur les distinctions entre hypertextes, textes Internet et cybertext. Ces distinctions se révèlent nécessaires pour comprendre les caractéristiques des «textes» et les possibilités de les commenter.
  13. Voir l’ouvrage de Magali Nachtergael, Poet against the Machine.
  14. Virginia Jackson, Dickinson’s Misery. Plus récemment, sa conférence «Becoming Lyric» retrace les fondements de ses positions. Voir une captation vidéo: https://www.youtube.com/watch?v=SjQpsOnvnro.
  15. Je renvoie avant tout aux propos de Arturo Casas,«La poésie non lyrique»; Burghard Baltrusch, Isaac Lourido, éditeurs, Non-Lyric Discourses in Contemporary Poetry.
  16. Hanna 3-4.
  17. Nous pouvons également saluer les travaux importants sur la transmédialité lyrique dans le domaine hispanophone, notamment dans les traditions sud-américaines. Je pense principalement aux études de Claudia Kozak et de Gustavo Guerrero.
  18. Voir Markus Kuhn, Johann N. Schmidt, «Narration in Film».
  19. Barbara Turquier, «Qu’expérimente le cinéma expérimental?».
  20. Voir par exemple Pierre Alferi, «Qu’est-ce qu’un cinépoème?». Pour situer le propos de Pierre Alferi, voir Magali Nachtergael, Poet against the Machine, pp. 131-133.
  21. Outre les propos bien connus de Jean Epstein (Jean Epstein, Esprit de cinéma), je renvoie au cas de Bernardo Bertolucci, qui passe de la poésie à la réalisation: «As I’ve already said on several occasions, I don’t see any difference between cinema and poetry. What I mean is that from the idea to the poem there is no mediation, just as there isn’t any between an idea and a film. If the idea isn’t already poetic, there’s no chance it will become so. I followed the same process in writing my poems and making my films. The connections between poetry and film are infinite.» (Gerard, et al., éditeurs 12).
  22. Je renvoie dans ce cadre aux différentes études de la collection «Le cinéma des poètes» aux Nouvelles Éditions Place, tout particulièrement aux études sur Jacques Prévert (par Carole Arouet).
  23. Sandra Laugier, «Esthétique de l’ordinaire».
  24. Stanley Cavell, Le cinéma nous rend-il meilleurs?
  25. Céline Pardo, La poésie hors du livre (1945-1965); Céline Pardo, et al., directeurs, Poésie et médias; Friedrich Kittler, Gramophon; Julia Novak, Live Poetry. Voir encore les numéros de revue: «La littérature exposée», Littérature, no. 160, 2010; «La littérature exposée 2», Littérature, no. 192, 2018.
  26. Camille Vorger, «De la page au partage, du livre au live».
  27. Gustavo Guerrero, «Transmédialité et champ poétique».
  28. Par exemple chez Jonathan Culler, Theory of the Lyric.
  29. Alberto Fabio Ambrosio, «Le sema entre codification et défense».
  30. Cf. les conduites esthétiques sur des différents objets, Jean-Marie Schaeffer, L’expérience esthétique.
  31. Je reprends sur ce point la définition de Claudia Kozak à partir de Kattenbelt: «En accord avec Kattenbelt (“Intermediality in Theatre and Performance”), des différences peuvent être établies: entre des œuvres artistiques – numériques ou analogiques – dans lesquelles différents médias et systèmes de signes s’accordent sans exiger un haut degré d’impact mutuel – selon quoi ils seraient multimédias – ; et des œuvres, ancrées sur un médium, qui présentent des appropriations et des transpositions d’autres médias – elles seraient donc transmédiales – ; ou, enfin, des œuvres qui soulignent l’«entre-deux» médiatique, dans lesquelles la dissociation des différents médias et langages concurrents fausserait l’expérience esthétique – elles seraient donc intermédiales.» (ch. 6).
  32. C’est bien le sens de l’ouverture par Nadja Cohen d’Un cinéma en quête de poésie.
  33. Je renvoie au dossier de Nadja Cohen, Anne Reverseau, éditrices., «Un je-ne-sais-quoi de “poétique”».
  34. Dans Le Larousse, nous trouvons l’acception suivante: «Qui est capable d’émouvoir la sensibilité, l’imagination par ses caractères originaux, son charme: Paysage poétique.».
  35. Par exemple Rimbaud Verlaine (1995) d’Agnieszka Holland, Sylvia (2003) de Christine Jeffs sur Sylvia Plath ou encore A Quiet Passion (2016) de Terence Davies sur Emily Dickinson.
  36. An Angel at My Table (1990), Bright Star (2009), réalisés par Jane Campion.
  37. «Goodbye may seem forever. / We met it seems, Such a short time ago, / You looked at me, Needing me so, / Yet from your saddness, / Our happiness grew, / And I found out, I needed you too, / I remember how we used to play […]».
  38. Voir le scénario en ligne: https://imsdb.com/scripts/American-Beauty.html.
  39. Je renvoie à la notion d’«effet de présence» telle que je la décris dans Le pacte lyrique et telle que la reprend Jonathan Culler.
  40. Laurent Guido, «De l’Or du Rhin au Nouveau Monde».
  41. Voir Johanne Villeneuve, «Le bercail et la voix».
  42. Marc Dominicy, Poétique de l’évocation.
  43. Le terme «Qatsi» signifie la «vie» en langue Hopi. La trilogie prend ainsi les titres suivants: Koyaanisqatsi (1982), Powaqqatsi (1988), Naqoyqatsi (2002). Ron Fricke était le directeur de la photographie du premier film de la trilogie.
  44. Voir le site Spirit of Baraka: https://www.spiritofbaraka.com, avec des films comme Montmartre de Gilles de Caevel en time-lapse, Matisco de Sébastien Barrier ou encore Heild par Petur K. Gudmundsson.
  45. Voir mes développements dans «Lyric Reading and Empathy».
  46. Jean-Marie Schaeffer, L’expérience esthétique.
  47. Lucy Alford, Forms of Poetic Attention.
  48. Je renvoie aux travaux de Christine Lombez, La seconde profondeur.
  49. Voir les travaux de Serge Martin, Nathalie Rannou ou la thèse de Matthieu Depeursinge.
  50. Julia Novak, Live Poetry.
  51. Jay David Bolter, Richard Grusin, Remediation.
  52. Cf. Lucy Alford, Forms of Poetic Attention.
  53. ArturoCasas, «La poésie non lyrique».
  54. Raphaël Baroni, «Pour une narratologie transmédiale».
  55. Voir Le pacte lyrique.
  56. Voir notamment Jocelyn Benoist, Sens et sensibilité.
  57. Nous retrouvons ici le débat entre Wolfgang Iser et Stanley Fish.
  58. Delphine Vernozy, Le livret de ballet, un objet littéraire?
Bibliographie
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Ambrosio, Alberto Fabio. «Le sema entre codification et défense», Vie d’un derviche tourneur. Doctrine et rituels du soufisme au xviie siècle, CNRS Éditions, 2010, pp. 181-240, https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.24134. 
Badir, Sémir. «Une poésie sans métaphore au cinéma», Un cinéma en quête de poésie, édité par Nadja Cohen, Les Impressions nouvelles, 2021, pp. 131-148.
Balpe, Jean-Pierre. «Le livre est tout le problème…», Document numérique, vol. 5, no. 1-2, 2001, pp. 9-15. 
Baltrusch, Burghard, et Isaac Lourido, éditeurs. Non-Lyric Discourses in Contemporary Poetry, Martin Meidenbauer Verlagbuchhandlung, 2012.
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Notes
Pour citer cet article

Référence électronique

Rodriguez, Antonio. «L'interaction lyrique dans les films: les séquences intermédiales dans les fictions et les documentaires». Théories du lyrique. Une anthologie de la critique mondiale de la poésie, sous la direction d'Antonio Rodriguez, Université de Lausanne, novembre 2021, https://lyricalvalley.org/blog/2023/03/25/linteraction-lyrique-dans-les-films-les-sequences-transmediales-dans-les-fictions-et-les-documentaires/.

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Version originale de l'article:

Cet article a été publié dans Antonio Rodriguez, Kirsten Stirling, directeurs. Lyre multimédia, Études de Lettres, no. 319, 2022. L’auteur remercie la revue et son comité pour l’autorisation à livrer cet article en libre accès avant la clause libératoire.

Auteurs

Antonio Rodriguez

Université de Lausanne, CH
Antonio Rodriguez est professeur de littérature française à l’Université de Lausanne. Il est un des membres fondateurs de l’International Network for the Study of Lyric, qu’il a présidé de 2019 à 2021. Directeur artistique du festival Printemps de la poésie, président de l’association Lyrical Valley, il est également poète, auteur de plusieurs recueils et d’installations poétiques multimédias/numériques. Il a été le commissaire de l’exposition Code/Poésie (Digital Lyric) en 2020. Il a obtenu plusieurs prix et bourses, dont, récemment, le prix Optimus du FNS pour ses explorations multimédias et le prix Pierrette Micheloud pour ses poèmes. Antonio Rodriguez a publié plusieurs ouvrages dont : Le Pacte lyrique (2003), Modernité et paradoxe lyrique (2006), Le Chant et l’écrit lyrique (2009) ou encore Lyre multimédia (2022). Il dirige actuellement un dictionnaire du lyrique (à paraître) et codirige un compendium de notions (Poetry-in-Notions).