Quelle pourrait être la contribution du lyrique médiéval à ce que l’on appelle les New Lyrics Studies? Cet article soutient que la culture manuscrite médiévale offre une nouvelle compréhension de la «lecture lyrique», qui renvoie au passage à l’imprimé des poèmes d’Emily Dickinson opéré au XIXe siècle (tel que le décrit Virginia Jackson), et remet en question les hypothèses influentes que cette lecture formule au sujet du lyrique. Le monde du poème court en moyen anglais qui est trilingue, donc non anglocentré, se réclame différemment de la littérarité, et implique la présence (largement non-écrite) de la musique. La pratique répandue de la citation sape encore davantage le concept d’un objet écrit particulier, rendu familier par l’imprimerie moderne. Des exemples tirés de divers manuscrits suggèrent des modes de lecture tant latéraux que verticaux, attentifs au réseau instable de traces verbales et au rôle fuyant de la mélodie. Ils sont aptes à être appliqués à la poésie postmédiévale.
L’objectif de cet article est de présenter les œuvres d'un certain nombre de poètes et de groupes latino-américains qui font désormais de la poésie par d'autres moyens, à la confluence de la performance, de l'art vidéo, de la musique, de l'art conceptuel et de la cyber-littérature. Le voyage à travers ce corpus n'est pas chronologique, encore moins géographique ou régional, mais s'articule autour de trois zones de perturbation, de dissonance ou de haute tension que la transmédialité génère dans le champ poétique actuel. La première concerne les disciplines philologiques comme histoire des textes et concerne la généalogie des pratiques transmédiales et leur articulation avec le corpus de la poésie latino-américaine du XXe siècle. La seconde touche à l'instabilité causée par la prolifération de nouveaux supports et aux questions entourant le statut et l'identité de l'œuvre poétique que cela implique. Enfin, on aborde au troisième chapitre le problème de l'énonciation poétique et du moi lyrique. Plutôt que de tirer des conclusions définitives, ce que nous cherchons avec ce parcours consiste à souligner l'importance de certains sujets qui nous obligent à réfléchir sur les conditions de lecture des objets transmédiaux et sur les effets que la création transmédiale produit dans notre manière de concevoir, lire et enseigner la poésie.
Pour reposer frontalement la question du rapport du poème lyrique à sa circonstance, il convient de réfléchir à sa scène d’énonciation particulière et à ses façons de décontextualiser ce qui n’est plus exactement son cadre. À l’opposé du roman, le poème élide les éléments de contextualisation et l’obscurité du poème vient souvent de cette incertitude sur les éléments référentiels. C’est pourquoi on propose bien de nommer «circonstance» ce qui constitue à la fois l’ambiance initiale qui donne naissance au poème et ce qu’il crée comme entour de sa parole.