La poésie épique: entre poésie lyrique et prose narrative? L’exemple de Monika Rinck
Cet article s’intéresse à la manière dont la poésie contemporaine redéfinit les concepts de genre classiques. Monika Rinck est, à ce propos, l'une des voix les plus marquantes de la génération de poètes qui a fait ses débuts dans les années 2000 et qui ne manque nullement de talents. Dans son travail, nous trouvons divers exemples de la façon dont elle rejette consciemment les attentes liées à la construction des vers lyriques. Nous rencontrons ainsi des éléments qui rappellent la prose, comme par exemple sa tendance à utiliser des vers très longs, l'apparition d'abréviations typiques, ou son intérêt manifeste pour la recherche discursive de nouveaux «concepts». Son poème «Augenfühlerfisch», dans cet article, ne servira pas seulement d'illustration à sa tendance à étendre la poésie à la prose discursive, mais son lexique peut être ramené à l'épistémologie moderne, en particulier au fondement de l'esthétique scientifique d'Alexander G. Baumgarten. Si, dans ce contexte, on revient à la définition de Baumgarten de la poésie comme un discours totalement «sensuel» (sinnliche Rede) (et son application ultérieure à la poésie lyrique de Johann Adolf Schlegel), Rinck réactive un potentiel épistémologique qui a été évincé par le paradigme de la poésie d'expérience (Erlebnislyrik) au cours des deux derniers siècles. L'apparente exigence de sincérité de Rinck envers ses lecteurs est toutefois atténuée par la multiplicité des voix du poème.