La structure fondamentale de la poésie lyrique serait l’adresse triangulée (triangulated address): le lecteur donne voix à un discours qui s’adresse aux lecteurs par l’intermédiaire d’un tiers – quelqu’un ou quelque chose qui est adressé. La version la plus frappante de ce phénomène – figure qui résume tout ce qu’il y a de plus prétentieux et de mystificateur dans la poésie lyrique – serait la figure vatique de l’apostrophe: à savoir, l’interpellation d’un interlocuteur fictif (une urne, un oiseau, la Mort, la Beauté). L’adresse directe faite au lecteur est assez rare, et comporte souvent ce qu’on pourrait appeler un «vous flou» qui désigne le lecteur, ou tout le monde, ou encore le poète lui ou elle-même. C’est l’adresse lyrique qui fait du poème un événement.
Outre la structuration rythmique des sons, ce que j’ai appelé l’adresse triangulée (triangulated address) – l’adresse faite au lecteur au moyen de l’adresse faite à une autre chose ou à autrui – est un aspect crucial de la dimension ritualiste de la poésie lyrique. «Le lyrisme est avant tout l’énoncé qui est surpris par hasard» («Lyric is pre-eminently the utterance that is overheard»; notre trad.; 249), écrit Northrop Frye, reprenant la célèbre formulation de John Stuart Mill distinguant entre la poésie, qui est entendue par hasard (overheard), et l’«éloquence», qui est entendue (heard) (Mill 348). «Le poète lyrique», poursuit Frye, «prétend normalement parler à lui-même ou à quelqu’un d’autre: un esprit de la nature, une muse, un ami personnel, un amant, un dieu, une abstraction personnifiée ou un objet naturel […] Le radical de la présentation dans le poème lyrique est la forme hypothétique de ce que l’on appelle en religion la relation Je-Tu. Le poète tourne le dos, pour ainsi dire, à ses auditeurs, bien qu’il puisse parler pour eux et bien que ces derniers puissent répéter certaines paroles qu’il a prononcées» («The lyric poet… normally pretends to be talking to himself or to someone else: a spirit of nature, a muse, a personal friend, a lover, a god, a personified abstraction, or a natural object… The radical of presentation in the lyric is the hypothetical form of what in religion is called the ‘I-Thou’ relationship. The poet, so to speak, turns his back on his listeners, though he may speak for them and though they may repeat some of his words after him.»; notre trad.; 250).
L’adresse triangulée est la forme racine de présentation pour la poésie lyrique qui sous-tend même les poèmes ne s’engageant pas dans les étranges formes d’adresse et d’invocation inhérentes au genre. Mais il n’est guère évident que le terme «entendu par hasard» soit la meilleure manière de parler de cette prétention à s’adresser à quelqu’un ou à quelque chose d’autre, tout en proposant en réalité un discours pour un public. Après tout, nous rencontrons des poèmes lyriques sous forme de textes écrits auxquels les lecteurs donnent voix. Ce que nous «entendons» est alors notre propre ventriloque d’une adresse ambiguë, bien que nous puissions – et dans certains cas, le faisons certainement – interpréter cela comme le fait de surprendre une voix poétique distincte. Les poèmes qui ne s’adressent à personne, tels que «l’Infinito» de Leopardi et «Red Wheelbarrow» de Williams, dont il est question au chapitre 1 de Theory of the Lyric, peuvent certainement être considérés par les lecteurs comme des méditations entendues, mais des poèmes comme «Heidenröslein» de Goethe ou même «La Luna asoma» de Lorca sont des scripts destinés à être interprétés, plus qu’une voix «entendue».1 Quelles que soient ses insuffisances, la formulation de Frye a néanmoins le mérite de souligner l’importance de la voix et de l’aspect indirect, deux éléments centraux de l’expérience lyrique. Ce radical de la présentation met en avant l’événement de l’adresse lyrique, en en faisant une opération non déterminée par son apparente fonction communicative. Le fait d’invoquer ou de s’adresser à quelque chose qui ne constitue pas le véritable public, qu’il s’agisse d’une muse, d’une urne, du devoir ou d’une bien-aimée, met en évidence l’événement de l’adresse elle-même en tant qu’acte poétique dont le but et les effets exigent une attention critique. Afin d’éviter toute confusion, j’emploierai le terme «interlocuteur» (addressee) pour celui/celle ou ce qui est désigné par les pronoms de l’adresse, et le terme «public» (audience) pour les bénéficiaires présumés de la communication lyrique – ceux-ci étant le plus souvent des auditeurs ou des lecteurs.
La manifestation la plus flagrante de l’adresse triangulée est l’invocation d’interlocuteurs impossibles, tels que les pouvoirs invisibles: «O wild West Wind, thou breath of Autumn’s being» («Ô vent d’ouest indompté, toi qui est le souffle de l’être de l’automne»; notre trad.; Shelley 188), ou des créatures et des choses peu susceptibles de répondre – un lion, un bateau, la mort, un cygne, la terre:
Lion! J’étais pensif, ô bête prisonnière, Devant la majesté de ta grave crinière (Hugo 175) O navis, referent in mare te novi Fluctus. O quid agis? (Horace 13) («Eh quoi! les flots encor t'éloignent du rivage! Que fais-tu, cher vaisseau?» (Vanderbourg 87)) Or hai fatto l’estremo di tua possa, O crudel Morte (Pétrarque 146) («Epuisés tu les as, ô Mort! Les éléments De ta force» (Pétrarque 147)) Qué signo haces, oh Cisne, con tu encorvado cuello al paso de los tristes y errantes soñadores? (Rubén Darío, «Los Cisnes», 81) («Quel signe fait ton col sinueux, Cygne, Cygne, Quand passent les errants et moroses songeurs?» (Rubén Darío, «Les Cygnes», 53)) Erde, du liebe, ich will. (Rilke 84) («Terre, ma terre aimée, je veux.» (Rilke 85))
L’adresse faite à quelqu’un ou à quelque chose donne au poème un caractère d’événement, et moins le destinataire est ordinaire, plus le poème semble devenir une invocation ritualiste. Cette adresse faite à des interlocuteurs absents voire impossibles n’est pas non plus une mode poétique usée, comme nous sommes susceptibles de le croire, c’est-à-dire une caractéristique de la poésie romantique aujourd’hui abandonnée par une époque plus ironique. Il y a de nombreuses apostrophes dans la poésie moderne; parmi les plus connues, on peut citer l’adresse de D’Annunzio à un torpilleur («Naviglio d’acciaio, diritto veloce guizzante/bello come un’arme nuda»; «Navire d’acier, droit, rapide, clignotant, belle comme une arme nue»; notre trad.; D’Annuzio 185) et celle d’Apollinaire à la Tour Eiffel («Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin», 7). De plus, un éventail surprenant de poèmes récents s’adresse non seulement à des amis, des amoureux ou des ennemis (comme dans le «Daddy, Daddy, you bastard, I’m through!» – «Papa, Papa, espèce de salaud, j’en ai assez!»; notre trad.; 224 – de Sylvia Plath) ou à des «vous» indéterminés, qui peuvent être le lecteur ou le poète lui-même, mais aussi à des choses telles que le soleil, une fleur, ou une feuille.2
Se détournant des roses de la tradition, Wordsworth avait chaleureusement salué l’humble marguerite et la chélidoine envahissante. Que reste-t-il donc à un poète moderne, sinon les mauvaises herbes?
WEEDS The pigrush, the poverty grass, The bindweed’s stranglehold morning glories, The dog blow and ninety- joints— They ask so little of us to start with, Just a crack in the asphalt, Or a subway grate with an hour of weak light. One I know has put down roots As far as a corpse is buried, its storage stem As big as my leg. That one’s called Man-under-ground. That one was my grudge. And suddenly now this small Unlooked for joy. Where did it come from, With these pale shoots And drooping lavender bell? Per sis tent Intruder, whether or not I want you, you’ve hidden in the heart’s Overworked subsoil. Hacked at Or trampled on, may you divide and spread, Just as, all last night, The wind scattered a milkweed across the sky. (McClatchy 18)
Ce you («tu») apparaissant soudainement est une touche très efficace à laquelle on ne s’attend pas. Elle fait passer le poème de la réflexion poétique à l’invocation, à l’événement, et en fait plus qu’une réflexion sur la résilience de certaines plantes: à savoir, une célébration de leur énergie et du fait de surmonter l’adversité, car l’adresse faite à un «tu» réunit le sujet lyrique et la plante dans l’espoir d’une diffusion. Le dernier vers du poème de McClatchy rappelle la conclusion de «Ode to the West Wind» de Shelley:
Drive my dead thoughts over the universe Like withered leaves to quicken a new birth, And by the incantations of this verse, Scatter, as from an unextinguished hearth Ashes and sparks, my words among mankind! (192)
Plus modeste que le «Scatter my words» («disperse mes paroles»; notre trad.) de Shelley, le «may you divide and spread» («puissiez-vous vous diviser et répartir»; notre trad.) de McClatchy témoigne du même désir de dispersion ou de diffusion des paroles lyriques.
Ou encore, dans «Les Étiquettes Jaunes», voici Frank O’Hara, soi-disant prosaïque et terre-à-terre, qui se sentait mal à l’aise lorsqu’il n’était pas à proximité d’une station de métro:
Leaf! you are so big! How can you change your color, then just fall! (9)
(Le poème conclut sur: «Leaf! don’t be neurotic/like the small chameleon»; «Feuille! ne sois pas névrosée/comme le petit caméléon»; notre trad.; 9).
Des apostrophes aussi manifestes ont figuré au centre de la tradition lyrique et marquent l’aspect vatique (ou prophétique) de cette tradition: à savoir, invoquer toutes sortes de choses, et donc présumer la réactivité potentielle de l’univers, en ce qui constitue le summum de la présomption poétique. Comme nous le verrons, la position vatique est un embarras potentiel pour les poètes: ils se révoltent souvent contre elle, s’en moquent ou s’en éloignent, tout en s’appuyant sur elle à un certain niveau fondamental. Elle est également gênante pour les critiques, qui sont enclins à l’ignorer ou à transformer un discours apostrophique en description. Bien que l’adresse apostrophique soit très répandue dans les poèmes de la tradition occidentale, le dispositif lyrique consistant à s’adresser à des destinataires absents ou improbables a été largement ignoré dans la littérature critique.3 Earl Wasserman a écrit cinquante pages sur le «Adonais» de Shelley, qui est très apostrophique, sans en faire mention. Même l’essai classique de M. H. Abrams, «Style and Structure in the Greater Romantic Lyric», ignore cette figure, qui, pour tout observateur non spécialiste semble être un trait évident et omniprésent des grands poèmes – principalement des odes – dont traite Abrams. Ignorant les urnes, les rossignols, les nuages, les rivières, les châteaux, les montagnes et les abstractions personnifiées comme le Devoir, la Mélancolie et l’Automne, Abrams cherche des destinataires humains, évoquant le «colloque soutenu du poète, parfois avec lui-même ou avec la scène extérieure, plus fréquemment avec un auditeur humain silencieux, présent ou absent» («sustained colloquy, sometimes with himself or with the outer scene, more frequently with a silent human auditor, present or absent»; notre trad.; 527-528). L’apostrophe est une gêne palpable, car elle est la figure de tout ce qu’il y a de plus radical, de plus prétentieux et de plus mystificateur dans le texte: les envolées de fantaisie ou les proclamations d’action vatique que les critiques préfèrent éluder, par exemple en discutant plutôt du thème du pouvoir de l’imagination poétique – une question sérieuse qu’ils hésitent à lier au «O» vide de l’adresse: «O wild West Wind…»4
Je reviendrai plus tard dans le texte sur ce type d’adresse apostrophique, mais il y a d’autres cas d’adresse lyrique à considérer en premier lieu.
Adresse aux auditeurs ou aux lecteurs
Celle-ci pourrait sembler être le modèle de communication directe pour la poésie lyrique, son mode par défaut au moyen duquel le public réel est adressé directement, mais elle est en fait étonnamment rare: l’adresse lyrique est généralement indirecte. Ben Jonson nous donne l’exemple de base de l’adresse directe, un simple poème dédicatoire, «To the Reader».
Pray thee, take care, that tak’st my booke in hand, To reade it well: that is, to understand. (153)
Ce genre d’adresse figure souvent au début d’un volume, pour accueillir le lecteur et encadrer la collection, comme dans le vers de Pétrarque (dont il est question au chapitre 1), «You who hear within these scattered verses…» («Vous qui entendez dans ces vers dispersés…»; notre trad.), qui, en se servant de la figure de l’audition pour ce qui doit évidemment être compris comme la lecture, exprime l’espoir de recevoir le pardon et la compréhension des lecteurs pour s’être donné en spectacle dans ces poèmes. En adoptant la première personne du pluriel lorsqu’il décrit nos propensions calamiteuses, le poème d’ouverture de Baudelaire, «Au Lecteur», accuse au contraire le lecteur d’hypocrisie s’il prétend ne pas reconnaître tout l’éventail de nos vices dépeints dans le recueil: «Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère» (7). Ces poèmes sont vécus comme exceptionnels, explicitement métapoétiques, entièrement dépendants du recueil qu’ils introduisent.5
Les lecteurs sont aussi parfois abordés dans des poèmes qui ne constituent pas de propos préliminaires. La performance convaincante de Ben Jonson en matière de simplicité, «Epitaph on Elizabeth L.H.», en est un exemple remarquable:
Wouldst thou hear what Man can say In a little? Reader, stay. Underneath this stone doth lie As much Beauty as could die: Which in life did harbour give To more Virtue than doth live. If at all she had a fault, Leave it buried in this vault. One name was Elizabeth, The other, let it sleep with death: Fitter, where it died, to tell Than that it lived at all. Farewell! (233)
Le traditionnel «Stay, traveler» («Halte, voyageur») de l’épitaphe poétique est ici remanié en tant qu’adresse au lecteur, à qui il est enjoint de s’occuper du texte épitaphique. Les poèmes épidictiques, qui donnent des conseils et indiquent au lecteur ce qu’il doit apprécier, peuvent utiliser l’adresse directe. «Provide, Provide» de Frost, par exemple, citant le destin de la star hollywoodienne déchue qui se retrouve à laver les escaliers avec un seau et un chiffon, exhorte d’un air pince-sans-rire:
Make the whole stock exchange your own! If need be occupy a throne, Where nobody can call you crone. Some have relied on what they knew; Others on simply being true. What worked for them might work for you. … Better to go down dignified With boughten friendship at your side Than none at all. Provide, provide! (404)
Toutefois, l’adresse à un «vous»/«tu» que l’on pourrait interpréter comme étant le lecteur est rare même dans la poésie de Frost, et le Handbook of Literary Rhetoric qui fait autorité affirme qu’une telle adresse a l’effet d’une apostrophe, puisqu’il s’agit d’un détournement inhabituel de l’anonymat du lectorat (Lausberg 339).
Walt Whitman est ici la grande exception: l’adresse faite aux lecteurs revient fréquemment, de manière hyperbolique, dans Leaves of Grass, non seulement en interpellant les lecteurs mais en insistant sur leur affinité avec l’auteur, comme dans «Song of Myself»:
I celebrate myself, and sing myself,
And what I shall assume you shall assume,
For every atom belonging to me as good as belongs to you. (29)6
S’adressant à ses lecteurs, le poème prétend «vous» (you) offrir des avantages particuliers en lisant Whitman:
Have you practis’d so long to learn to read? Have you felt so proud to get at the meaning of poems? Stop this day and night with me and you shall possess the origin of all poems, You shall possess the good of the earth and sun, (there are millions of suns left,) You shall no longer take things at second or third hand, nor look through the eyes of the dead, nor feed on the spectres in books... (30)
Pourtant, les activités que Whitman affirme du «vous»/«tu» vont souvent bien au-delà de la lecture, ce qui complique la situation de l’adresse, comme dans le cas de «This Room» de John Ashbery, où le vers de conclusion, «Why do I tell you these things? You are not even here» («Pourquoi est-ce que je vous dis ces choses? Vous n’êtes même pas ici»; notre trad.; 3), opère de manière magnifique et éloquente, en tant qu’adresse au lecteur, tout en pouvant également être lue comme une adresse à un amant ou même, dans le contexte du rêve et de la division de soi dont traite le poème, comme une adresse à soi-même. Le poème de Whitman «To You» s’adresse à des lecteurs nécessairement inconnus, revendiquant audacieusement l’intimité:
Whoever you are, now I place my hand upon you, that you be my
poem,
I whisper with my lips close to your ear,
I have loved many women and men, but I love none better than you.
O I have been dilatory and dumb,
I should have made my way straight to you long ago,
I should have blabbed nothing but you, I should have chanted
nothing but you.
I will leave all, and come and make the hymns of you;
None have understood you, but I understand you,
None have done justice to you, you have not done justice to yourself,
None but have found you imperfect, I only find no imperfection in
you. (186)7
Plus le poème affirme les sentiments ou les expériences du «vous», plus la situation de l’adresse devient compliquée, car ce «vous» est représenté d’une manière qui n’est pas facilement identifiable avec un lecteur. Auparavant, le poème s’intitulait non pas «To You», mais «Poem of You, Whoever you Are», comme s’il ne faisait pas que s’adresser à vous, le lecteur, mais qu’il traitait aussi de, ou au sujet d’un amant encore inconnu. Le poème final de Leaves of Grass, «So Long!», annonce le triomphe d’un nouveau monde et de son peuple, mais revient pour enlacer le lecteur:
My songs cease, I abandon them, From behind the screen where I hid I advance personally solely to you. Camerado, this is no book, Who touches this touches a man, (Is it night? are we here together alone?) It is I you hold, and who holds you, I spring from the pages into your arms — decease calls me forth. (382)
Avec cette référence à la mort qui fait vivre l’auteur dans son livre et surgir de ce dernier, Whitman semble rechercher le genre d’effet étrange obtenu par Keats dans «This Living Hand», dont il est question ci-dessous. Mais une fois qu’on nous aura donné des détails sur ce «vous»/«tu» qui ne s’appliquent pas à la plupart des lecteurs, nous nous retrouverons peut-être avec un cas de ce qu’on a appelé le «vous flou» (blurred you), qui fait un geste envers le lecteur mais qui est aussi pris, de manière plausible, pour le poète lui-même, ou pour quelqu’un d’autre.8 Antonio Machado écrit dans ses Proverbios y cantares:
Con el tú de mi canción, But that you in my song non te aludo compañero; doesn’t mean you, pal; ese tú soy yo. that you is me. (50)
Le deuxième «Wanderers Nachtlied» («Chant de nuit du voyageur») de Goethe est un exemple classique de cette indétermination:
Über allen Gipfeln Ist Ruh, In allen Wipfeln Spürest du Kaum einen Hauch; Die Vögelein schweigen im Walde. Warte nur, balde Ruhest du auch. (142)
Ici, les deux du («tu») sont, pour le moins, ambigus. Le premier n’est peut-être qu’un «on» impersonnel, mais à cause du commandement just wait («attendez donc un peu»), le second est compris soit comme une auto-adresse – le sujet lyrique se reposera lui aussi bientôt – soit, conformément à l’interprétation habituelle du poème en raison de l’universalité de la mort, comme une adresse plus large dans laquelle les lecteurs sont également impliqués. Le grand «Archaïscher Torso Apollos» («Torse Archaïque d’Apollon») de Rilke constitue un cas similaire:
Wir kannten nicht sein unerhörtes Haupt, darin die Augenäpfel reiften. Aber sein Torso glüht noch wie ein Kandelaber, in dem sein Schauen, nur zurückgeschraubt, sich hält und glänzt. Sonst könnte nicht der Bug der Brust dich blenden, und im leisen Drehen der Lenden könnte nicht ein Lächeln gehen zu jener Mitte, die die Zeugung trug. Sonst stünde dieser Stein entstellt und kurz unter der Schultern durchsichtigem Sturz und flimmerte nicht so wie Raubtierfelle; und bräche nicht aus allen seinen Rändern aus wie ein Stern: denn da ist keine Stelle, die dich nicht sieht. Du musst dein Leben ändern. (1) Nous n’avons pas connu sa tête prodigieuse où les pupilles mûrissaient. Mais son torse encore luit ainsi qu’un candélabre dans lequel son regard, vrillé vers l’intérieur, se fixe et étincelle. Sinon, tu ne serais ébloui par la poupe du sein, et la légère volte des reins ne serait parcourue du sourire qui s’en va vers ce centre où s’érigea le sexe. Et la pierre sinon, écourtée, déformée, serait soumise sous le linteau diaphane des épaules et ne scintillerait comme fourrure fauve ni ne déborderait de toutes ses limites comme une étoile: car il n’y est de point qui ne te voie. Tu dois changer ta vie. (227)
Le poème commence à la première personne du pluriel, «nous», mais, de manière cruciale, il s’adresse par la suite à «toi». Le premier «tu» (du) du sixième vers – «Sonst könnte nicht der Bug/der Brust dich blenden» («Sinon tu ne serais/ébloui par la poupe du sein») – qui présuppose que quelqu’un se retrouve ébloui, semblerait signifier n’importe quel observateur du torse, mais l’étrangeté croissante de ce dernier, dans lequel, finalement, il n’y a «keine Stelle/die dich nicht sieht» («de point/qui ne te voie») établit une situation où le «tu» final – «Du musst dein Leben ändern» («Tu dois changer ta vie») – semble inexorablement s’adresser au lecteur. C’est, bien entendu, un effet délibérément recherché. Même s’il est tout à fait possible de comprendre l’impérative de changer sa vie comme une inférence méditative du sujet lyrique/poète, étendue aux lecteurs par le moyen de la généralisation, il est difficile pour le lecteur de ne pas se sentir interpellé. Ashbery écrit: «Nous sommes en quelque sorte tous les aspects d’une conscience, […] et le fait de s’adresser à quelqu’un, à moi-même ou à quelqu’un d’autre, est ce qui est important […] plutôt que la personne particulaire concernée» («We are somehow all aspects of a consciousness,… and the fact of addressing someone, myself or someone else, is what’s the important thing… rather than the particular person involved»; notre trad.; 123-124).
Enfin, l’exemple le plus frappant d’une adresse faite au lecteur, qui montre la capacité du poème à faire de cette adresse un événement, est «This Living Hand» de Keats. Plus efficace encore que Whitman, qui prétend toucher le lecteur, ce poème défie le temps et semble gagner le pari.
This living hand, now warm and capable Of earnest grasping, would, if it were cold And in the icy silence of the tomb, So haunt thy days and chill thy dreaming nights That thou wouldst wish thine own heart dry of blood So in my veins red life might stream again, And thou be conscience-calmed— see here it is— I hold it towards you. (364)
Il s’agit là d’une tentative audacieuse de produire un événement poétique en exploitant les ressources de l’adresse directe faite au lecteur, agrégeant le temps d’articulation – le maintenant où «This living hand» («cette main vivante») est «warm and capable of earnest grasping» («chaleureuse et capable de serrer fortement») – et le temps de la lecture: «See, here it is, I hold it towards you» («Vois donc: la voici, je te la tend»). Le poème ose affirmer que cette main est tendue vers nous au moment même de la lecture, et on pourrait s’attendre à sourire ironiquement devant cette prétention poétique mal placée: à savoir, l’affirmation de pouvoir survivre au silence glacial du tombeau et de nous tendre la main ici et maintenant. Pourtant il est rare que les lecteurs réagissent de cette manière.9 Nous accédons plutôt à la prétention du poème, en lui accordant le pouvoir de nous faire surmonter, par le moyen de l’imagination, la mort, dont il nous menace simultanément. En opposant la vie du poète à sa mort, il affirme de manière proleptique que si cette main était morte, elle nous hanterait et nous donnerait envie de lui transférer notre sang, si seulement cela la faisait vivre, afin que nous puissions nous sentir rassurés. Bien que nous ne souhaitions pas véritablement nous sacrifier, les lecteurs sacrifient temporairement leur sens de la réalité en permettant au poème de créer pour eux une temporalité dans laquelle la main vit et est tendue vers eux. Le poème prédit cette mystification, nous lance le défi d’y résister, et nous révèle qu’elle est irrésistible. Il s’agit là d’un tour de force qui montre ce que la poésie lyrique peut faire et en quoi elle est mémorable.
J’ai soutenu que l’adresse directe faite au public est rare, mais dans The Idea of Lyric, Ralph Johnson affirme que les poèmes lyriques, hérités des Grecs, étaient en fait chantés à un public, de sorte qu’il y a un «vous» aussi bien qu’un «je», un orateur ou un chanteur, qui chante ou parle à une ou plusieurs autres personnes: «Le triangle rhétorique entre l’orateur, le discours et l’auditeur est la caractéristique essentielle de la poésie lyrique grecque, de la poésie latine qui a perpétué et renforcé la tradition grecque, et de la poésie lyrique européenne médiévale et moderne qui a à son tour hérité et renforcé la tradition lyrique gréco-romaine» («The rhetorical, lyrical triangle of speaker, discourse, and hearer is the essential feature of the Greek lyric, of the Latin lyric that continued and refined the Greek tradition, and of the medieval and early modern European lyric that inherited and further refined the Graeco-Roman lyric tradition»; notre trad.; 34). Ce modèle du «je» s’adressant à un «tu», affirme-t-il, se trouve au centre de la meilleure tradition lyrique, bien que les conceptions modernes de la poésie lyrique l’aient occulté et nous aient amenés à imaginer que la poésie lyrique en général doit être comprise comme la méditation solipsiste d’un individu, exprimant ou élaborant des sentiments personnels. Dans le modèle classique, le «je» et le «tu», le locuteur et l’auditeur, sont (selon Johnson) directement liés l’un à l’autre dans une communauté; avec la poésie lyrique moderne, écrit-il, «la désintégration de la forme pronominale entraîne la désintégration du contenu émotionnel, car dans la poésie lyrique aussi, la forme et le contenu sont interdépendants» («the disintegration of pronominal form entails the disintegration of emotional content, for in lyric, too, form and content are interdependent»; notre trad.; 13).
Johnson prend comme principaux cas Horace et Catulle, les deux poètes lyriques les plus appréciés du canon classique pour lesquels nous possédons un corpus lyrique substantiel, et oppose leurs poèmes adressés à une ou plusieurs personnes à ce qu’il appelle le «poème méditatif, dans lequel le poète parle à lui-même, ou à personne en particulier, ou, parfois, fait appel à, ou apostrophe, des entités inanimées ou non-humaines, des abstractions, ou les morts» («meditative poem, in which the poet talks to himself, or to no one in particular or, sometimes, calls on, apostrophizes, inanimate or non- human entities, abstractions, or the dead»; notre trad.; 3). Seuls 9 % des poèmes d’Horace et 14 % de ceux de Catulle sont méditatifs dans ce sens (soliloque ou apostrophe), tandis que 87 % des poèmes d’Horace et 70 % de ceux de Catulle sont adressés à une autre personne.
Il y a là quelque chose de curieux. L’argument de Johnson, qui distingue le «bon» modèle classique de l’adresse directe au public du «mauvais» modèle moderne du solipsisme ou de l’indirection, repose sur l’hypothèse que si un poème s’adresse à une personne, cette dernière doit constituer son public. «Le mode le plus courant dans la poésie lyrique grecque (vraisemblable) et dans la poésie lyrique latine (certainement)», écrit-il, «était d’adresser le poème (en grec, la chanson) à une ou plusieurs autres personnes. Ce que cette forme lyrique typique indique, ce sont les conditions et les objectifs de la chanson: la présence du chanteur devant son public» («The most usual mode in the Greek lyric (probably) and in the Latin lyric (certainly)… was to address the poem (in Greek, the song) to another person or persons. What this typical lyric form points to is the conditions and the purposes of the song: the presence of the singer before his audience»; notre trad.; 4). De plus, il soutient qu’à Rome, «même après que le chanteur n’ait plus chanté» («even after the singer sang no more»), cela est resté la forme typique de la poésie lyrique (5). Cependant, alors que 87% des odes d’Horace s’adressent à une autre personne (tantôt fictionnelle, tantôt historique), Horace ne s’adresse qu’une fois au peuple romain ou à tout groupe qui pourrait constituer le véritable public de ses poèmes: l’exception est l’Ode 3.14, qui célèbre le retour de guerre d’Auguste et la possibilité de jouir de la paix (ainsi que du vin et des femmes). Elle commence par un discours destiné au public, «O plebs».
Herculis ritu modo dictus, o plebs, morte uenalem petiisse laurum, Caesar Hispana repetit penatis victor ab ora. (112) Prêt à payer naguère, à l'exemple d'Alcide, Au prix de tout son sang de funèbres lauriers, Peuple, César vainqueur du Cantabre intrépide, Vient revoir ses foyers. (113)
Cette adresse faite au public plutôt qu’à un individu réel ou fictif demeure l’exception plutôt que la règle.10 On ne peut pas affirmer qu’Horace s’adresse à son public autrement que par le moyen indirect d’une adresse faite à autrui. L’adresse lyrique faite à un «vous»/«tu» est fondamentale pour la poésie lyrique, comme Johnson le conclut à juste titre, mais elle ne signale pas une adresse directe faite au public.
L’élément «direct» semble être une valeur primordiale pour de nombreux spécialistes de la littérature grecque, qui soulignent fréquemment que les poèmes lyriques archaïques s’adressaient à leur public dans le cadre d’une cérémonie publique. La question de savoir si les structures pronominales reflètent cela est une tout autre question. Dans la poésie grecque, la nature extraordinairement fragmentaire de ce qui a survécu rend difficile de savoir quelles sont les normes en matière d’adresse lyrique. Nous disposons rarement d’un texte complet, et nous ne pouvons donc pas déterminer avec certitude quel aurait été le cadre de l’adresse. Johnson lui-même remarque que «la poésie lyrique grecque […] nous est essentiellement inaccessible» («Greek lyric… is essentially inaccessible to us»; notre trad.; 26), tout en admettant que nous ne pouvons résister à l’envie d’essayer de nous l’imaginer dans toute sa splendeur. Le corpus existant, cependant, remet certainement en question l’idée que la poésie lyrique grecque est typiquement encadrée comme une adresse directe faite à un public qui l’aurait entendue. Il existe peu de spécimens pour justifier une telle hypothèse. Les critiques citent Archiloque 109, Callinos 1 et Solon 4 comme preuve de la tradition qu’Horace suivrait dans l’épisode 7, où il s’adresse à un public – «Where, where are you wicked people rushing?» («Où, où vous précipitez-vous, méchants?») – ou dans l’épisode 13, où il s’adresse à des amis – amici. Mais ces exemples ne suffisent guère à justifier l’affirmation selon laquelle l’adresse directe faite au public serait la norme de la poésie lyrique grecque.
N’est-ce pas là un mythe de la Grèce, à savoir la «pleine splendeur» que les critiques ont tendance à s’imaginer? Si les fragments de textes grecs contiennent de nombreux pronoms à la seconde personne, ils désignent très rarement une communauté que l’on pourrait considérer comme le public auquel le poète s’adresse directement. Même Pindare, créateur d’odes cérémonieuses dont les odes de victoire publiques ont l’indéniable fonction sociale de rassembler une communauté autour de ses champions, ne s’adresse presque jamais aux citoyens de la ville du vainqueur. Ses odes épiniciennes s’adressent aux vainqueurs, aux nombreux dieux, à la Vérité, à la Paix, à «ma lyre», à «mon chant» et à «mon âme». Elles sont cérémonieuses, ritualistes et très vocales, mais sur quarante-cinq odes, seule Néméen 2 s’adresse à un groupe de personnes: «Celebrate him, O citizens,/in honor of Timodemos upon his glorious return,/and lead off with a sweetly melodious voice» («Célébrez Zeus, ô citoyens,/en l’honneur de Timodème, pour son retour glorieux,/entonnez votre chant d’une voix douce et mélodieuse!»; 33).11 Cet échec surprenant des odes de Pindare à s’adresser au public nous amène à nous demander s’il n’y a pas eu, à notre insu, une règle générique interdisant que l’on s’adresse aux citoyens – car, le cas échéant, il semblerait évident de le faire dans ce genre d’odes. Est-ce pour faciliter la répétition dans des contextes très variés que l’écrivain d’odes refuse de s’adresser à un public spécifique (Pelliccia)?
Or, Pindare ne soutient guère la revendication de l’adresse directe. D’ailleurs, le seul poème complet de Sappho (examiné au chapitre 1), que Johnson, à la recherche de cet élément direct, s’imagine être adressé à la nouvelle bien-aimée qui est «assise à l’écouter dans le public» («sits listening in the audience»; notre trad.; 48), est de toute évidence adressé à Aphrodite; et, si tant est qu’il le soit, adressé seulement de manière indirecte à une bien-aimée.12 Un meilleur cas est «Phainetai moi», le poème de Sappho cité par Longin et examiné au chapitre 2, qui s’adresse effectivement à la bien-aimée:
He seems to me equal to the gods that man
whosoever who opposite you
sits and listens close
to your sweet speaking... (Carson 31)13
Mais Longinus prend ces vers pour un discours rhétorique destiné aux lecteurs, plutôt que pour un poème dont le «tu» est le véritable public présent. Je reprends cette question ci-dessous, en considérant les poèmes d’amour.
Il ne serait pas surprenant s’il n’y ait jamais eu un moment où l’adresse poétique était simple et directe: c’est-à-dire, une simplicité originaire transformée par la suite en conventions du discours indirect. L’adresse n’est pas simple dans la poésie lyrique grecque: l’adresse directe faite au public assis devant l’interprète est l’exception plutôt que la règle, et évidemment, même lorsqu’elle a lieu, la séparation possible entre l’interprète et la figure qui prononce le «je», qui surgit aussitôt – non seulement pour la poésie lyrique chorale mais partout où il y a une représentation – nous livre ces structures d’«itérabilité» et de textualité qui compliquent la poésie du monde moderne. L’une des structures les plus caractéristiques de la poésie lyrique, amplement représentée dans la poésie lyrique grecque archaïque comme dans toutes les périodes de la poésie lyrique moderne, est la «triangulation» par laquelle un sujet lyrique s’adresse manifestement à une bien-aimée pour parler indirectement au public. Johnson suggère que «la personne adressée (qu’elle soit réelle ou fictive) est une métaphore pour les lecteurs du poème et devient un médiateur symbolique, un conducteur entre le poète et chacun de ses lecteurs et auditeurs» («the person addressed (whether actual or fictional) is a metaphor for readers of the poem and becomes a symbolic mediator, a conductor between the poet and each of his readers and listeners»; notre trad.; 3), mais il nous reste de toute évidence l’indétermination, comme dans le cas de l’adresse à une déesse ou à une urne, plutôt que l’adresse faite au public.
- Heinz Schlaffer fait valoir que la tradition lyrique a tellement habitué les lecteurs à entendre les poèmes s’adresser à quelqu’un ou à quelque chose que nous nous attendons à ce que ce soit le cas même lorsqu’il n’y a pas d’interlocuteur explicite.
- Pour l’apostrophe dans la poésie américaine récente, voir Keniston; dans la poésie britannique récente, Pollard.
- Lorsqu’il ne pouvait pas être ignoré, il était généralement considéré comme un élément purement conventionnel. Une étude de l’ode, dans laquelle la figure est endémique, déclare: «L’élément de l’adresse n’a pas de signification particulière, étant simplement le reflet de l’influence classique. Tous les vers de l’Antiquité étaient adressés à quelqu’un, principalement parce qu’ils étaient soit chantés soit lus et que les traditions de chant et de récitation exigeaient qu’il y ait un destinataire […] Les poètes romantiques étaient si proches de la tradition classique qu’ils acceptaient l’élément de l’adresse comme une évidence, et nous, au présent, en sommes si éloignés qu’il semble que ce soit une chose établie en soi» («The element of address is of no especial significance, being merely a reflection of the classical influence. All the verse of antiquity was addressed to somebody, primarily because it was either sung or read and the traditions of song and recitation required that there be a recipient… The Romantic poets were so close to the classical tradition that they accepted the element of address as a matter of course, and we of the present are so remote from it that it seems thing established in its own right»; notre trad.; Shuster 11–12). La proximité et la distance temporelles, semble-t-il, sont des raisons tout aussi valables de nier la signification de l’adresse apostrophique.
- Depuis la publication de mon essai «Apostrophe» dans The Pursuit of Signs, cette figure est devenue un sujet de discussion sérieux. En plus des travaux mentionnés précédemment, voir Alpers 1–22; Barbara Johnson; Waters; Smith, 411–437.
- Dans Les Fleurs du Mal, par exemple, bien que 92 des 127 poèmes s’adressent à quelque chose ou à quelqu’un, seul un poème à part le premier, «Au Lecteur», s’adresse au lecteur (no. 38, «Un fantôme»).
- Souvent, ce travail se fait dans un prologue: Victor Hugo introduit Les Contemplations par, «Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. […] Ah! Insensé, qui crois que je ne suis pas toi!».
- Précédemment, «Poem of You, Whoever You Are», Leaves of Grass 1856. Disponible à l'adresse suivante: www.whitmanarchive.org/published/LG/1856/poems/10. Voir la discussion de William Waters portant sur ce poème dans Poetry’s Touch, 122–125. Dans «Whitman’s Lyrics?» (89–109), John Hicks remarque un changement dans la section «Calamus» introduite en 1860, passant d'un mode expansif, englobant le «je», à un mode plus lyrique avec l'adresse à plusieurs «vous».
- Voir Holden et Vincent
- Edward Hirsch écrit, «Une fois rencontré, cependant, ce fragment de conscience ne peut pas être ignoré ou oublié» («Once encountered, though, this fragment of consciousness can’t be ignored or forgotten»; notre trad.). Consultable sur le site www.poetrysociety.org/psa/poetry/crossroads/old_school/on_john_keats_this_living_hand/. Il a été soutenu que «This Living Hand» était initialement envisagé comme faisant partie d’une pièce de théâtre, mais le texte est aujourd’hui lu comme poème lyrique indépendant.
- «Le vocatif au début […] o plebs, est unique» (Frankel 289). Il y a également une adresse faite à Rome dans 4.4: «Rome, ce que tu dois aux Nerons,/Le Métaure en est témoin» («Quid debeas, o Roma, Neronibus,/testis Metaurum flumen…»), mais il s’agit là de l’invocation d’une abstraction, et non d’une adresse faite au public.
- En outre, Pythique 2 s’adresse à la ville de Syracuse, mais pas en tant que ensemble d’auditeurs: «O Syracuse, ville immense/temple d’Arès, l’ardent guerrier/divine nourrice des hommes et des chevaux bardés de fer,/c’est à toi que je viens vers toi, de la brillante Thèbes, apporter» (42) («O great city of Syracuse, sanctuary of/Ares mighty in war, divine nourisher of men/and horses delighting in steel,/to you I come from shining Thebes bearing this song»). Les deux autres odes les plus proches, Isthme 1 et Isthme 7, s’adressent par le biais de l’apostrophe à la nymphe éponyme de Thèbes: «ô ma mère, Thèbes au bouclier d’or, je veux qu’elle passe avant les obligations les plus pressantes» (20) («Mother of mine, Thebe of the golden shield, I shall put your concern above even my pressing obligations»). Mais ceci n’est qu’indirectement une adresse faite à un public de Thèbes.
- Johnson admet néanmoins que «le fait qu’il y ait eu ou non une demoiselle pour rejeter ou accepter le présent [du poème] est hors sujet» («whether or not there was a girl to reject or accept the gift [of the poem] is beside the point»; notre trad.; 48).
- Traduction légèrement modifiée par l'auteur de l'article.